Category: Livres,Romans et littérature,Littérature italienne
Le Vieux avec les bottes Details
Brancati appartient par l'état-civil à une génération d'intellectuels qui passe du fascisme au marxisme et au communisme stalinien à travers la prise de conscience de ce qu'était, selon le diagnostic marxiste, la guerre civile espagnole, prodrome de la Seconde Guerre mondial; pourtant il s'en détache, chronologiquement, par une légère mais significative anticipation. Celle-ci lui permet de voir tout d'abord le fascisme non comme tragédie, mais comme " fait comique ", comme glorification du ridicule et obligation, pour les hommes, de s'y soumettre. Une sujétion au ridicule: tuant celui qui l'encourage comme celui qui le subit. A moins que celui qui le subit n'en soit délivré par un salutaire " manque de respect ". Comme Brancati, justement." En 1934, Pirandello, fasciste désormais sans illusions, publiait dans le Corriere la nouvelle Il y a quelqu'un qui rit: au cours d'une cérémonie indubitablement fasciste, une cérémonie du fascisme, de ses funestes solennités. Et tout se passe comme si Vitaliano Brancati en avait recueilli la consigne. "Leonardo SciasciaVitaliano Brancati, né en 1907 près de Catane, en Sicile, est mort à Turin en 1954. Son oeuvre se compose principalement de romans et de nouvelles, parmi lesquels Don Juan en Sicile, le Bel Antonio, les Années perdues."
Reviews
Ce recueil de récits excelle par son traitement ironique, sarcastique, voire cynique, de problèmes humains vitaux, aussi bien politiques (le fascisme, la guerre, la liberté d'expression) que sociaux (chômage, mariage, qualité de vie).Thèmes sociauxLa nouvelle exemplaire est 'En quête d'un oui', où un jeune, mort accidentellement, demande dans 'l'antichambre céleste' s'il peut retourner chez les vivants. On le lui accorde à condition qu'il trouve un boulot sur terre. Pour l'auteur, la plus grande offense qu'on puisse faire à un homme, est de lui dire 'qu'il n'y a pas de travail pour toi.'Dans 'La Place', le personnage principal a bel et bien trouvé un boulot grâce à des protections, mais sa 'fleur délicate de la vie' est petite. Cette nouvelle annonce 'Le bel Antonio'.Dans 'L'inspection', l'auteur oppose les deux vies d'un agent de l'Etat: sa fonction abrutissante d'inspecteur et sa vie personnelle (famille, poésie).Dans 'Bruits', un cabinet d'avocats (Père et fils) est au centre des débats. Le fils ne supporte pas les bruits de la rue ou des visiteurs dans la maison. Mais un mariage (sans dot!) change son comportement.Dans 'Une soirée inoubliable', des écrivains célibataires voient leur femme adorée de près, mais ne peuvent pas lui adresser la parole: un signe de leur impuissance artistique.Dans 'Pipes et cannes', l'unique curiosité des vieillards de Sicile est de savoir lequel d'entre eux se détachera le premier de la branche de vie.'La vieille estampe' dévoile à un juge juste au soir de son passage sur terre, son vrai idéal de vie.'Histoire de Mila' raconte les mésaventures d'une beauté.FascismeLe récit le plus représentatif est 'Le vieux avec les bottes', où un fonctionnaire est contre le régime fasciste, mais ne peut pas le dire. Au contraire, il 'doit' mettre des bottes pour montrer sa loyauté envers le régime en place, sinon il risque de perdre son gagne-pain. Après la défaite des fascistes, il y a une épuration politique...Dans 'L'ennui en 1937', un jeune se plaint dans un télégramme de son ennui en l'an 1937. Mais, pour le pouvoir fasciste ce message est une véritable insulte: une époque où les fascistes sont au pouvoir ne peut pas être qualifiée d'ennuyeuse!Dans 'Le Baiser', 'embrasser le Surintendant est un acte d'indiscipline'.'Les deux mondains' sont, comme Nietzsche l'a si bien dit, 'vécus': ils 's??adaptèrent aux temps nouveaux, comme une paire de chevaux s'accoutume à une nouvelle voiture'.Dans les 'Ennemis', 'la vie est courte, et l'obligation de haïr la raccourcit de façon sinistre.''Singulière aventure de Francesco Maria' est un persiflage sur le fond et la forme de l???uvre de l??écrivain de droite Gabriele d'Annunzio.Dans 'Un bal', les fascistes ont été remplacés par des voleurs.Guerre'La maison heureuse' illustre les ravages désastreux de la guerre: 'même ce décor était mort. Et ce sont les hommes qui l'ont fait.''La douche' décrit d'une manière macabre les horreurs de la guerre: 'il avait vu trois soldats étrangers tuer à coups de hache, lentement, comme des bûcherons paresseux, deux femmes et deux fillettes.'Dans 'Le chevalier', les mots d'ordre sont 'mitrailler, déchirer, pilonner sans pitié'.Dans 'Sebastiana' même le cimetière s'effondre.Dans 'Histoire d'un homme qui par deux fois ne rit pas', l'homme en question ne rit pas quand il entend le mot 'paix'.'Pas du silence' est le récit le plus désespéré de tous: 'une fois la guerre passée, la peur de mourir disparut'; à la place de ce sentiment 'son c?ur s'emplit d'un humble, ardent et pitoyable désir de mourir.'Ce recueil est à tout point de vue remarquable, de par le choix des sujets, par l'évocation de calamités politiques et sociales et par la peinture sans commisération de types humains, soient-ils fondamentalement bons, apathiques ou moralement mauvais.A ne pas manquer.